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Panorama DossierPertinence de la modélisation écologique et prédictive pour la santé de la faune sauvage et la biodiversité

Dossier Posté sur 2024-07-31 10:56:23

Pertinence de la modélisation écologique et prédictive pour la santé de la faune sauvage et la biodiversité

Auteurs

David T. S. Hayman

Molecular Epidemiology and Public Health Laboratory, School of Veterinary Science, Hopkirk Research Institute, Massey University, Palmerston North, ManawatuWanganui, Nouvelle-Zélande 

Les désignations et dénominations utilisées et la présentation des données figurant dans cet article ne reflètent aucune prise de position de l’OMSA quant au statut légal de quelque pays, territoire, ville ou zone que ce soit, à leurs autorités, aux délimitations de leur territoire ou au tracé de leurs frontières.
Les auteurs sont seuls responsables des opinions exprimées dans cet article. La mention de sociétés spécifiques ou de produits enregistrés par un fabricant, qu’ils soient ou non protégés par une marque, ne signifie pas que ceux-ci sont recommandés ou soutenus par l’OMSA par rapport à d’autres similaires qui ne seraient pas mentionnés.

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La biodiversité sur Terre englobe les humains que nous sommes, les espèces somptueuses d’oiseaux, les créatures les plus fascinantes de la planète – mais aussi les agents pathogènes porteurs de mort.  La pensée écologique et le recours aux modèles nous aident à mieux comprendre la biodiversité et la santé de la faune, tout en nous éclairant sur la manière de préserver notre santé.

La biodiversité est la vie : elle recouvre toutes les variétés d’animaux, de plantes, de microorganismes et de gènes présents sur Terre. La biodiversité crée les écosystèmes dont nous dépendons pour nos ressources en eau douce, pour la régulation du climat et des nuisibles et pour bien d’autres choses encore – mais la diversité est aussi celle des microbes, agents des maladies qui nous affectent et menacent la faune sauvage.

Le virus de la rage, les virus influenza, les virus Ebola et West Nile sont autant d’exemples d’agents pathogènes qui trouvent leur réservoir dans la faune sauvage, d’où l’infection une fois établie peut se propager et se transmettre aux humains et aux animaux domestiques. Ces infections sont également mortelles pour les espèces sauvages à l’origine des transmissions, y compris l’avifaune et les mammifères marins et terrestres. Une bonne connaissance des facteurs de leur propagation est donc essentielle pour une gestion efficace des maladies. Par exemple, c’est le commerce d’espèces sauvages qui a favorisé la propagation des chytrides, avec pour conséquence le déclin des populations d’amphibiens dans le monde [1] (Figure 1).

La complexité de ces systèmes nous impose de recourir à des modèles basés sur les données de l’observation et expérimentales afin de déceler les tendances passées et futures, d’en donner une représentation simple et d’élaborer des prévisions [2]. L’utilisation de modèles prédictifs a permis de comprendre l’impact que peuvent avoir sur la santé de la faune sauvage certaines solutions de gestion, par exemple en évaluant les stratégies de vaccination, aussi bien en termes de protection des espèces menacées que de prévention de la transmission des maladies infectieuses de la faune sauvage à d’autres espèces.  Les modèles ont également permis d’évaluer l’impact des stratégies d’abattage sanitaire sur la dynamique de l’infection chez les espèces menacées et la capacité de ces stratégies à prévenir la propagation des maladies à d’autres espèces. Ainsi, c’est grâce aux modèles qu’il est désormais établi que l’abattage sanitaire a un impact limité, voire négatif, sur certaines maladies de la faune sauvage [3]. C’est le cas du virus de la rage chez les vampires au Pérou, comme l’ont démontré les analyses fondées sur des données. L’abattage des chauves-souris a échoué à réduire l’incidence de la rage chez les animaux domestiques. En réalité, l’abattage appliqué  en tant que mesure de réaction a plutôt contribué à accélérer la propagation de la rage au sein des populations de chauves-souris [4].

Les modèles ont également révélé le lien existant entre les poussées d’Ebola qui affectent les humains et les animaux sauvages et la proximité d’îlots forestiers dans les forêts fragmentées, car ces sites créent les conditions de contacts inédits entre différentes espèces, dont les grands singes [5, 6, 7]. En outre, les modèles peuvent prédire la capacité de certains hôtes spécifiques à maintenir naturellement une infection [8]. Les modèles prédictifs nous aident à comprendre l’impact potentiel du changement climatique sur la biodiversité et sur le risque d’émergence de maladies [9, 10].

Dans l’ensemble, les modélisations écologiques et prédictives sont des outils essentiels pour comprendre les relations complexes entre les humains, l’environnement et les facteurs qui influent sur notre santé et sur celle de la faune sauvage.

Figure 1 : Le crapaud doré (Incilius periglenes) est considéré comme une espèce disparue dont l’extinction est partiellement due à la chytridiomycose, maladie largement imputable aux transferts par l’homme d’amphibiens infectés à l’échelle mondiale [1]. Crédit : Charles H. Smith, domaine public, via Wikimedia Commons

Références

  1. Fisher MC, TW Garner. Chytrid fungi and global amphibian declines. Nature Rev Microbiol 2020; 18(6): 332−343.
  2. Mancy R. et al. Rabies shows how scale of transmission can enable acute infections to persist at low prevalence. Science 2022; 376(6592): 512−516.
  3. Choisy M, Rohani P. Harvesting can increase severity of wildlife disease epidemics. Proc Royal Society B 2006; 273(1597): 2025−2034.
  4. Viana M et al. Effects of culling vampire bats on the spatial spread and spillover of rabies virus. Sci Adv 2023; 9: 7437.
  5.  Wilkinson DA et al. Habitat fragmentation, biodiversity loss and the risk of novel infectious disease emergence. J Royal Soc Interface 2018; 15(149):
  6.  Rulli MC et al. The nexus between forest fragmentation in Africa and Ebola virus disease outbreaks. Sci Rep 2017; 7:
  7. Hranac CR et al. Predicting Ebola virus disease risk and the role of African bat birthing. Epidemics 2019; 29:
  8. Hayman DTS  et al. Transmission models indicate Ebola virus persistence in non-human primate populations is unlikely. J Royal Soc Interface 2022; 19(187): 20210638.
  9.  Carlson CJ et al. Climate change increases cross-species viral transmission risk. Nature 2022; 607(7919): 555−562.
  10.  Muylaert RL et al. Present and future distribution of bat hosts of sarbecoviruses: implications for conservation and public health. Proc Royal Soc B 2022; 289(1975): 20220397.

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