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Panorama DossierLa mise en place d’une stratégie nationale de lutte contre la tuberculose bovine demande une réflexion approfondie

Dossier Posté sur 2019-05-29 18:15:49

La mise en place d’une stratégie nationale de lutte contre la tuberculose bovine demande une réflexion approfondie

Auteurs

Matthew Stone, Directeur général adjoint « Normes internationales et Science », Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

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Une Feuille de route pour la tuberculose zoonotique a été publiée récemment [1] ; des normes internationales ont été élaborées et sont régulièrement mises à jour par le réseau d’experts des Membres de l’OIE [2] ; une solide communauté d’intérêts œuvrant dans le domaine du contrôle de la maladie participe à des conférences internationales et à des ateliers visant à partager les expériences stratégiques, tactiques et opérationnelles de tous les acteurs [3]. Tous les éléments sont donc réunis pour soutenir la priorité mondiale que constitue la lutte contre la tuberculose bovine. Mais cela commence par des mesures prises au niveau national, qu’il est impératif de fonder sur des arguments stratégiques pertinents aux yeux des décideurs. Pour le succès de la mise en œuvre des programmes de santé animale, de bonnes pratiques réglementaires lors de l’élaboration des politiques [4] sont tout aussi déterminantes que les moyens scientifiques et techniques.

Il est indispensable de bien définir les objectifs stratégiques des programmes nationaux de lutte car ils sont le fondement des activités à mener. Pour la tuberculose bovine, les objectifs envisageables sont les suivants :

  • protéger la santé publique (car la tuberculose bovine est une zoonose) ;
  • réduire l’impact de l’infection sur la production animale en réduisant sa prévalence à l’échelle des troupeaux, ce qui contribue à une meilleure productivité de la filière ;
  • renforcer la confiance des consommateurs vis-à-vis des échanges commerciaux nationaux et internationaux d’animaux et de produits d’origine animale grâce à la mise en place de systèmes efficaces de santé animale et d’assurance qualité des denrées alimentaires ;
  • avancer par étapes vers l’éradication en éliminant d’abord la maladie au niveau de compartiments(1), puis de zones(2) et enfin sur l’ensemble du territoire national, si cette démarche a vraiment du sens au plan économique.

Les voies de transmission des animaux à l’homme sont bien connues mais il existe à cet égard des particularités culturelles qui doivent être reconnues et prises en compte. Afin de maîtriser le risque que représente pour la santé publique l’exposition à l’agent pathogène dans la chaîne alimentaire, il est indispensable que les Services vétérinaires mettent en place des systèmes efficaces d’hygiène des viandes – incluant des inspections ante-mortem et post-mortem – et appliquent des procédures régissant la saisie en présence de lésions suspectes. La pasteurisation est une méthode efficace pour éviter l’exposition à l’agent pathogène via le lait et les produits laitiers ; il est néanmoins important de prévoir des méthodes alternatives afin de gérer le risque inhérent aux pratiques culturelles traditionnelles ou à certaines pratiques récentes opposées à la pasteurisation des produits laitiers. Par ailleurs, les risques d’exposition professionnelle des propriétaires de bétail et du personnel des élevages doivent être expliqués au moyen de campagnes de sensibilisation et d’un soutien actif aux bonnes pratiques.

Les programmes de santé animale centrés sur la situation sanitaire du cheptel concerné, qui visent à accentuer la biosécurité si l’élevage est indemne et à réduire la prévalence si l’élevage est infecté, sont bien connus des vétérinaires chargés de la réglementation et de leurs conseillers en épidémiologie, et sont réputés efficaces. La méthode qui consiste à effectuer des tests de dépistage et à abattre les animaux positifs requiert un système d’enregistrement des troupeaux (ou, mieux encore, un système d’identification et de traçabilité individuelle des animaux), des protocoles pour les campagnes de dépistage périodiques et pour la confirmation du diagnostic, ainsi que des méthodes épidémiologiquement fiables pour enquêter sur les cas détectés (détermination du moment de l’infection et de la période d’infectiosité ; procédure de traçage ; investigations dans les troupeaux à risque). Lorsque les Services vétérinaires n’ont pas les moyens de mener de telles actions, la vaccination peut être une alternative intéressante, particulièrement lors des premières phases d’un programme national. Elle permet de ramener la prévalence de la tuberculose bovine à un niveau où le recours au dépistage et à l’abattage des animaux infectés se justifie économiquement. Par ailleurs, il est parfois difficile d’appréhender les paramètres et les scénarios (qui apparaissent typiquement dans des situations particulières et dans les dernières étapes d’un programme de contrôle) qui pourraient amener à juger que le recours à l’abattage total s’impose. Dans les situations où les carcasses sont éliminées, saisies à l’abattoir ou déclassées, l’adoption de mesures d’indemnisation équitables contribue à mieux faire accepter l’abattage sanitaire, mais ces mesures ne doivent pas induire un relâchement des bonnes pratiques de biosécurité ni, pire encore, encourager des comportements illicites ou contraires à l’éthique. Toute la filière élevage doivent soutenir les objectifs du programme et bien comprendre la démarche adoptée.

Il convient d’aborder le rôle joué par la faune sauvage

Il convient également d’aborder le rôle joué par la faune sauvage, qui participe au maintien de la tuberculose bovine et favorise l’exposition renouvelée du bétail à l’agent pathogène. La recherche doit déterminer quelles sont les espèces en cause, étudier leur démographie et leur écologie et élucider les mécanismes d’infection et d’exposition à la bactérie afin de contrecarrer ces mécanismes par la vaccination ou, si besoin, le contrôle des populations d’animaux sauvages.

L’adoption d’une stratégie nationale de zonage contribue efficacement à la gestion ciblée du risque, par des mécanismes de lutte visant les élevages et la faune sauvage (définissant par exemple la fréquence des tests à effectuer dans les élevages et les modalités de gestion des populations d’animaux sauvages) et par une gestion prospective des risques d’exposition à l’agent pathogène et de propagation de la maladie (définissant par exemple les autorisations de déplacements d’animaux en fonction de la prévalence régionale ou du risque d’exposition à la faune sauvage). Le zonage permet également de renforcer les garanties apportées aux échanges internationaux.

L’engagement de toutes les parties prenantes autour d’un plan à long terme contribuera à la réussite d’une démarche par étapes

Les décideurs politiques et les bailleurs de fonds souhaitent une justification économique pour étayer leurs décisions. Dès lors que l’épidémiologie de la maladie le permet, l’éradication se présente naturellement aux vétérinaires comme l’objectif ultime de la lutte contre une maladie ; toutefois, elle doit aussi être justifiée au plan économique, en prenant en compte l’aspect fiscal et d’autres considérations politiques légitimes. L’éradication est un objectif ambitieux et à long terme qui nécessite de planifier les activités par étapes en tirant les enseignements des mesures appliquées au niveau de compartiments (par exemple centres de récolte de semence ou unités d’engraissement à haut niveau de biosécurité) et de zones sélectionnées en fonction de leur importance stratégique et de la faisabilité technique. L’engagement ferme de toutes les parties prenantes autour d’un plan à long terme prévoyant une révision stratégique périodique contribuera à la réussite d’une démarche par étapes : réduction de la prévalence au moyen de la vaccination, suivie d’une stratégie de dépistage et d’abattage des animaux testés positifs, d’une intensification de la surveillance pour démontrer l’absence de la maladie, puis du recours à l’abattage sanitaire pour accélérer les étapes finales, le cas échéant. Il convient de mettre en place les capacités techniques nécessaires pour faire face aux difficultés de planification, de mise en œuvre, de suivi ou d’évaluation pouvant surgir à chaque étape.

La Feuille de route pour la tuberculose zoonotique présente des composantes bien définies, destinées à être mises en œuvre de manière progressive pour mettre en pratique cet engagement international d’importance cruciale. Un tel engagement constituera forcément un soutien pour les Membres au moment d’élaborer et de mener à terme leur programme national, adapté à leur situation en particulier. La réussite du contrôle de la tuberculose bovine passe par une réflexion et une planification rigoureuses dès la conception du programme, qui doit reposer sur des objectifs stratégiques concertés.

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(1) « compartiment » désigne une sous-population animale maintenue dans une ou plusieurs exploitations, séparée des autres populations sensibles par un système commun de gestion de la sécurité biologique et ayant un statut zoosanitaire spécifique à une ou plusieurs infections ou infestations contre lesquelles sont appliqués la surveillance, la sécurité biologique et les mesures de contrôle nécessaires aux fins des échanges internationaux ou de la prévention et du contrôle des maladies dans un pays ou une zone. [5]
(2) « zone » désigne une partie d’un pays délimitée par l’Autorité vétérinaire, où se trouve une population ou une sous-population animale caractérisée par un statut zoosanitaire spécifique au regard d’une infection ou d’une infestation, aux fins des échanges internationaux ou de la prévention et du contrôle des maladies. [5]

http://dx.doi.org/10.20506/bull.2019.1.2915

Références

  1. Organisation mondiale de la santé (OMS), Organisation mondiale de la santé animale (OIE) & Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) (2017). – Feuille de route pour la tuberculose zoonotique.
  2. Organisation mondiale de la santé animale (OIE). – Tuberculose bovine.
  3. Septième Conférence internationale sur Mycobacterium bovis, 2020, Galway (Irlande).
  4. Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (2012). – Recommandation du Conseil concernant la politique et la gouvernance réglementaires.

Informations relatives à l'article

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