Perspectives Posté sur 2020-09-23 09:45:46
La Convention sur l’interdiction des armes biologiques et son application pratique
Mots-clés
Auteurs
Responsable de l’Unité d’appui à l’application de la Convention sur les armes biologiques, Bureau des Affaires de désarmement des Nations Unies (UNODA), Genève (Suisse)
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La Convention sur l’interdiction des armes biologiques (CABT) interdit efficacement la mise au point, la fabrication, l’acquisition, le transfert, le stockage et l’utilisation des armes biologiques et à toxines et constitue un élément essentiel pour la communauté internationale dans sa lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.
La CABT fut le premier traité international de désarmement à interdire une catégorie entière d’armes de destruction massive. Négociée de 1968 à 1972, elle est entrée en vigueur en 1975. Depuis cette date, un nombre croissant de pays se sont ralliés à la Convention, qui compte à ce jour 180 États parties. Six autres États ont signé la Convention mais ne l’ont pas encore ratifiée, tandis que 11 États ne l’ont ni signée ni ratifiée.
Bien que la CABT ne s’appuie pas sur une grande structure internationale, contrairement à d’autres instruments internationaux ayant trait aux armes de destruction massive, elle codifie une norme mondiale forte contre les armes biologiques. Ainsi que le stipule le Préambule de la Convention, « la conscience de l’humanité réprouve l’emploi » des armes biologiques. Fait important, la Convention établit une interdiction très large des agents biologiques ou des toxines nocifs non seulement pour l’homme, mais également pour les animaux et les plantes. La large acceptation de cette norme atteste qu’aucun pays ne s’identifie désormais comme possédant ou recherchant des armes biologiques et aucun État ne soutient que les agents biologiques sont des armes de guerre légitimes. Le concept d’utilisation délibérée de maladies en tant qu’armes de guerre a perdu toute légitimité.
Toutefois, cette norme doit être alimentée et préservée et il convient de prêter attention aux avancées scientifiques et technologiques, ainsi qu’aux changements de nature du terrorisme et des conflits armés susceptibles de mettre à mal la norme contre les armes biologiques. Comme pour nombre d’accords internationaux, il ne suffit pas pour les États de se contenter d’adhérer à la CABT. La Convention requiert que chaque État partie prenne des mesures visant à interdire et à prévenir la mise au point, la production, le stockage, l’acquisition ou la conservation d’agents, de toxines, d’armes, d’équipements et de vecteurs par quiconque relève de sa juridiction, ainsi que des mesures parallèles destinées à interdire et à prévenir tout encouragement, incitation ou assistance pour chacun de ces actes.
Tout au long ou presque de ses plus de 40 ans d’existence, la CABT a fonctionné comme un traité de désarmement traditionnel, avec la participation d’experts nationaux des ministères des Affaires étrangères et de la Défense et d’une petite communauté d’observateurs non gouvernementaux. Néanmoins, depuis le début des années 2000, une approche plus pratique a été adoptée, impliquant un éventail plus large de partenaires, parmi lesquels des organisations internationales concernées, telles que l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Dans cette optique, parmi les questions débattues figurent, par exemple, la biosûreté et la biosécurité, le suivi des progrès dans le domaine de la science et de la technologie, la surveillance épidémiologique, l’assistance, la préparation et la réaction face à l’éventualité de l’utilisation d’armes biologiques, ainsi que le renforcement des capacités pour les pays en développement.
Plus récemment, il est devenu manifeste qu’il existe une très forte demande, au niveau national et régional, en termes d’études et d’activités pratiques portant sur ces questions. Si la CABT ne dispose pas d’une grande structure internationale, sa petite Unité d’appui (ISU), située à Genève et constituée de trois personnes, a récemment reçu de nombreuses demandes d’assistance de la part d’États parties en développement. Cette Unité d’appui n’a pas été dotée des ressources lui permettant de répondre par elle-même à ces demandes, mais heureusement, les États parties à titre individuel, ainsi que les organisations régionales, ont pris les devants pour soutenir des activités en rapport avec ces questions. À titre d’exemple, en 2016, l’Union européenne a débloqué 2,34 millions EUR d’aide à la mise en œuvre de la CABT, et certains États parties en mesure de le faire (l’Allemagne, l’Australie, le Canada, la Chine, l’Inde et la Suisse, par exemple) ont également apporté leur aide.
Si, par le passé, la CABT fut plutôt un « monolithe » dans le paysage des mesures internationales contre les armes biologiques, elle a désormais évolué pour devenir une plate-forme dotée d’un réseau plus large impliquant des acteurs divers travaillant à sa mise en œuvre pratique. Mi-2018, une série de réunions d’experts portant sur des thèmes techniques spécifiques se tiendra à Genève. Ces réunions seront le cadre de discussions techniques sur l’ensemble des questions mentionnées ci-dessus. En outre, certains États parties ont d’ores et déjà pris contact avec l’Unité d’appui, désireux de soutenir diverses réunions préparatoires dans différentes régions du monde.
Il est essentiel que les États parties à la CABT continuent de soutenir les actions qui la situent au premier plan en tant que « traité vivant »
En fin de compte, la CABT est la seule instance multilatérale et globale au sein de laquelle l’ensemble des questions et des défis exposés ci-dessus peuvent être analysés. Il est par conséquent essentiel que les États parties à la CABT continuent de soutenir les actions qui la situent au premier plan en tant que « traité vivant » – en défendant son caractère universel afin d’encourager davantage de pays à rejoindre la CABT, en améliorant la base de données pour l’assistance et la coopération ainsi que les activités visant à appuyer les dispositions de la CABT ayant trait à des questions pratiques, telles que la coopération internationale, la mise en œuvre sur le plan national ainsi que la préparation à réagir face aux situations d’urgence.
http://dx.doi.org/10.20506/bull.2018.1.2766