Autour du monde Posté sur 2019-02-19 13:48:57
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Importance du pastoralisme au Tchad
Mots-clés
Auteurs
Mahamat Guindé (1)*, Ouagal Mahamat (2) & Mahamat Abdallah (3)
(1) Directeur général des Services vétérinaires (Tchad)
(2) Chef du service épidémiologique de l’Institut de recherche en élevage pour le développement (IRED) (Tchad)
(3) Directeur technique du PRAPS-Tchad
* Contact auteurs : mht.guinde@yahoo.fr
Les désignations et dénominations utilisées et la présentation des données figurant dans cet article ne reflètent aucune prise de position de l’OIE quant au statut légal de quelque pays, territoire, ville ou zone que ce soit, à leurs autorités, aux délimitations de leur territoire ou au tracé de leurs frontières.
Les auteurs sont seuls responsables des opinions exprimées dans cet article. La mention de sociétés spécifiques ou de produits enregistrés par un fabricant, qu’ils soient ou non protégés par une marque, ne signifie pas que ceux-ci sont recommandés ou soutenus par l’OIE par rapport à d’autres similaires qui ne seraient pas mentionnés.
Pays d’élevage par excellence, le Tchad compte près de 94 millions de têtes de bétail. L’élevage constitue la deuxième source de revenus après le pétrole et contribue à 53 % du PIB national. Il fait vivre environ 40 % de la population et représente 30 % des exportations. Il joue un rôle prépondérant dans la réduction de la pauvreté et l’amélioration de la sécurité alimentaire.
Le cheptel représenterait un capital financier d’environ 1 000 milliards FCFA. Quant à la valeur de la production de viande et de lait, en 2012, elle était estimée à 155 milliards FCFA. L’élevage constitue donc une composante majeure de l’économie nationale et reste un des secteurs productifs sur lequel le pays fonde de réels espoirs pour asseoir un développement économique et social durable.
Les aménagements pastoraux ainsi que les apports en matière de santé animale doivent être repensés dans leur globalité
La diversité des modes de vie et de production de l’élevage pastoral est un atout pour le pays. Cet acquis s’illustre par les races adaptées, par une conduite des troupeaux ancestrale qui développe un savoir-faire singulier valorisant des ressources naturelles diversifiées. C’est grâce à cette diversité que l’élevage pastoral et l’élevage intensif vont pouvoir se conjuguer pour contribuer à la sécurité alimentaire nationale et à l’amélioration de la balance commerciale de l’économie tchadienne. Pour mieux valoriser ce potentiel, les aménagements pastoraux (lieux de marchés, de transformation, de valorisation et de commerce des produits) ainsi que les apports en matière de santé animale doivent être repensés dans leur globalité en intégrant le secteur de l’élevage et du pastoralisme. C’est, à juste titre, ce que le Projet régional d’appui au pastoralisme au Sahel au Tchad (PRAPS-Tchad) se propose d’apporter.
Impacts du PRAPS sur le pastoralisme
En élevage, tout se tient : les quatre composantes du PRAPS-Tchad sont interdépendantes et mutuellement bénéfiques constituant ainsi des axes stratégiques d’intervention. Des animaux bien soignés (traités contre les maladies à titre préventif ou curatif) par les actions de la composante 1 (Amélioration de la santé animale) valoriseront mieux les ressources pastorales disponibles (eau et pâturages naturels) dont l’accès et la gestion sont améliorées à travers les réalisations de la composante 2 (Aménagement et gestion des ressources pastorales). Les animaux présentant un bon état d’embonpoint rapporteront des meilleurs prix grâce à un commerce mieux organisé et contrôlé à travers les infrastructures marchandes construites à cet effet (Composante 3). La composante 4 sécurise les moyens d’existence des éleveurs à travers des interventions conjoncturelles pour faire face aux aléas d’ordre climatique et épidémiologique.
Les questions relatives à l’accès à des services essentiels de production pour les pasteurs, mais aussi à la gestion rationnelle et organisée des ressources naturelles, sont mieux appréhendées. Des solutions sont proposées en matière d’accès à des médicaments vétérinaires de bonne qualité à travers l’installation de pharmacies vétérinaires pastorales et pour la diversification des points d’eau qui permettra l’exploitation des pâturages qui restent encore inaccessibles par manque d’eau dans ces contrées.
De nos jours, l’ensemble, sinon une grande partie, de la mise en œuvre politique en matière de développement de l’élevage est supportée par le PRAPS-Tchad, dont les moyens ne sont pas illimités mais permettront une réelle traduction en actions du programme du Chef de l’État, Monsieur Idriss Déby Itno, qui en plaçant son mandat actuel sous le signe du développement rural, a bien voulu mettre en tête des priorités l’importance économique et politique du monde rural au Tchad.
Plus de cinq millions de personnes ont pu bénéficier directement des actions du PRAPS-Tchad
Les apports du PRAPS-Tchad sont déjà largement visibles sur le terrain (Figs 1 et 2) et plus de cinq millions de personnes, dont plus du tiers constitué de femmes, ont pu bénéficier directement des actions du PRAPS-Tchad, notamment en matière de vaccination des animaux contre la péripneumonie contagieuse bovine (PPCB) et la peste des petits ruminants (PPR), toutes deux inscrites comme prioritaires sur la liste du réseau d’épidémiosurveillance des maladies animales au Tchad, le REPIMAT. Ces campagnes de vaccination de masse — à ce jour déjà deux campagnes organisées contre la PPCB, avec mobilisation de 7 millions de doses de vaccins, et une campagne contre la PPR pour laquelle 10 millions de doses de vaccins sont utilisées — restent les actions les plus appréciées par les bénéficiaires, car ces deux maladies causent à elles seules plus de ravages dans les élevages de ruminants que l’ensemble du reste des maladies surveillées par le REPIMAT. Aux dires d’experts, les pertes dues à ces deux maladies se chiffrent à plus de 10 milliards FCFA. Les taux de couverture vaccinale contre ces deux maladies ne sont pas encore ceux attendus. Cependant, la stratégie de montée en puissance est adoptée et les cas de notification de la PPCB ont réellement diminué, de plus de 60 % à la fin de l’année 2017.
Aussi, dans le cadre de la prévention et de la gestion des crises pastorales, une grande quantité d’aliment bétail (2 850 tonnes de tourteau) a été acquise et la distribution actuellement en cours permettra de sauver la vie des animaux pendant la période de soudure qui s’installe déjà. Et cette année particulièrement, les données météorologiques sont plus qu’alarmantes et annoncent une sécheresse plus rude et plus longue que les années précédentes sur toute la bande du Sahel. La distribution de ces aliments bétail amortira sûrement le choc de la prochaine sécheresse.
La mobilité des troupeaux pratiquée par les éleveurs permet d’optimiser l’exploitation des ressources naturelles qui fluctuent dans l’espace (zones agro-écologiques) et dans le temps (saison des pluies et saisons sèches). La pression croissante sur les espaces et ressources nécessite l’élaboration et la mise en œuvre de schémas d’aménagement pastoraux qui facilitent l’accès à l’eau et aux pâturages en clarifiant les règles d’usage mais aussi en planifiant des aménagements tels que des ouvrages hydrauliques et des pistes de transhumance.
Ainsi, une stratégie régionalisée de l’intervention du PRAPS-Tchad tenant compte de l’étendue des douze régions couvertes et de la diversité des contraintes pastorales, en regard des moyens limités, du nombre d’infrastructures réalisables et des interventions d’autres projets, a été élaborée à travers les diagnostics pastoraux.
Quatre-vingt-deux kilomètres de couloir de transhumance ont été réhabilités grâce à la réparation et au remplacement des balises.
Le processus d’ingénierie sociale a été bouclé pour 40 puits, 5 stations pastorales et 15 mares à réhabiliter, ainsi que 50 puits neufs, 40 mares, 12 marchés à bétail et 5 postes de sortie, et a abouti à la signature des accords-sociaux et accords-parties correspondants.
Ces interventions ont permis au Ministère de l’élevage, au PRAPS, aux collectivités locales, aux associations d’éleveurs et aux structures rurales de tirer de nombreuses leçons.
Même si les attentes sont encore grandes, le PRAPS-Tchad reste le projet de l’élevage sur lequel est basé l’espoir du développement du pastoralisme pour que le pays puisse bénéficier de ses bienfaits tels que l’exploitation du cheptel national sur des parcours de plus en plus rares et lointains.
http://dx.doi.org/10.20506/bull.2018.2.2875