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Panorama DossierLe Projet Virome mondial

Dossier Posté sur 2018-08-29 11:41:05

Le Projet Virome mondial

La puissance du Big Data pour en finir avec la menace des maladies virales émergentes

Auteurs

Dennis Carroll (1)* & Peter Daszak (2)

(1) Emerging Threats Division, Bureau for Global Health, US Agency for International Development (USAID), Washington, DC (États-Unis)

(2) EcoHealth Alliance, 460 West 34th Street – 17th Floor, New York, NY 10001-2320 (États-Unis)

* Contact auteurs : dcarroll@usaid.gov

Les désignations et dénominations utilisées et la présentation des données figurant dans cet article ne reflètent aucune prise de position de l’OIE quant au statut légal de quelque pays, territoire, ville ou zone que ce soit, à leurs autorités, aux délimitations de leur territoire ou au tracé de leurs frontières. Les auteurs sont seuls responsables des opinions exprimées dans cet article. La mention de sociétés spécifiques ou de produits enregistrés par un fabricant, qu’ils soient ou non protégés par une marque, ne signifie pas que ceux-ci sont recommandés ou soutenus par l’OIE par rapport à d’autres similaires qui ne seraient pas mentionnés.

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Les maladies virales émergentes constituent aujourd’hui une menace sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Nous assistons à l’émergence de plus en plus fréquente de virus que nous n’avions jamais vus auparavant, surgissant à la faveur de la croissance démographique, de la multiplication des déplacements à l’échelle planétaire et de l’emprise de l’homme sur son environnement.

Nous vivons dans l’expectative effrayante de l’émergence soudaine de nouveaux agents pathogènes et de leur propagation dans chaque foyer et chaque communauté humaine, sans qu’aucune barrière géographique, sociale ou économique ne puisse leur faire obstacle. Cette peur à elle seule peut coûter des milliards, comme nous l’avons vu avec la panique et la désagrégation sociale qu’ont causé les virus Ébola et Zika. Elle est encore accentuée par le fait que nous vivons avec la pandémie de VIH/SIDA depuis plusieurs décennies, par notre incapacité à maîtriser rapidement l’épidémie d’Ébola en Afrique de l’Ouest et par les images inquiétantes de la pathologie liée au virus Zika. Quoi qu’il en soit, nous demeurons incapables de prédire quand, où, et à partir de quelle espèce surgira le prochain virus émergent.

Néanmoins, les auteurs sont d’avis que les conséquences désastreuses du syndrome respiratoire aigu sévère (SARS), de l’influenza aviaire, de l’influenza porcine, de la maladie à virus Ébola, du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) et du virus Zika peuvent être évitées. Si nous voulons faire barrage aux pandémies et empêcher la propagation incontrôlée de virus épidémiques tels que le virus Ébola, il nous faut penser et agir autrement.

L’espèce humaine peut se prémunir contre l’attaque de virus émergents

Les avancées rapides de la médecine et les bouleversements actuels de la technologie nous permettent, pour la première fois, d’imaginer un monde libéré des menaces virales émergentes

Le problème des menaces émergentes réside dans le fait qu’elles proviennent d’une source apparemment inépuisable de virus hébergés par nos cousins du règne animal. Certains de ces virus nous sont déjà connus, par exemple le VIH, qui a franchi la barrière d’espèce du chimpanzé à l’être humain et a causé la pandémie de sida, ou le virus Ébola, dont des chauves-souris sont porteuses en Afrique. D’après certaines estimations récentes, pas moins d’un million et demi de virus différents d’origine animale, répartis en 24 familles, représenteraient potentiellement une menace [1, 2]. Par rapport aux quelque 260 virus connus chez l’être humain, cette « matière noire » virale représente 99,9 % de la menace pandémique potentielle. Cela signifie que pour chaque souche connue du virus Ébola, il existe probablement des dizaines de milliers de virus apparentés à Ébola, présents dans la faune sauvage et susceptibles d’émerger un jour. On peut dire la même chose du VIH et des rétrovirus, du virus responsable du SRAS et des coronavirus, du virus Zika et des flavivirus. Il est important de signaler que ces nouveaux virus constituent une menace non seulement pour la population humaine mais aussi pour le bétail, comme ce fut le cas à maintes reprises avec la grippe aviaire ; en outre, ils font également peser un risque important sur la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire des aliments.

Le Projet Virome mondial a pour but de faire face à ce large éventail de menaces « inconnues » [3]. Il s’agit d’un partenariat mondial visant à réunir des informations sur les virus potentiellement dangereux pour l’être humain, qui constituent l’immense majorité des virus présents sur la planète, et à les caractériser. La stratégie repose sur l’idée que si nous parvenons à caractériser ces virus chez les espèces animales sauvages – c’est-à-dire chez leurs hôtes naturels –, nous pourrons nous prémunir contre eux avant qu’ils ne s’attaquent à nous. Il s’agit d’accomplir une transformation culturelle de la santé publique : plutôt que de répondre aux foyers à mesure qu’ils se déclarent, nous ferions en sorte d’anticiper et de faire barrage aux futures pandémies et menaces épidémiques. Le volume de données nouvelles générées par le Projet Virome mondial permettrait de concevoir des approches audacieuses et d’élaborer des contre-mesures biomédicales, voire non médicales.

Tentons d’imaginer les perspectives offertes par les mégadonnées virologiques en termes de développement de vaccins et de médicaments : par la connaissance de ces dizaines de milliers de nouveaux virus, la biotechnologie pourra passer d’une approche thérapeutique et vaccinale visant un seul virus à des approches ciblant des familles entières de virus. En outre, à mesure que nous éluciderons le profil écologique de chaque virus et que nous connaîtrons les espèces qu’il infecte, l’endroit où il se trouve et les communautés humaines et populations animales à risque, nous pourrons mettre au point des vaccins et des médicaments spécifiquement adaptés aux personnes les plus exposées à la prochaine maladie émergente.

Le Projet Virome mondial accomplira dans le domaine des menaces virales émergentes ce que le Projet Génome humain commence tout juste à faire dans le domaine de la médecine personnalisée. Le retour sur investissement du Projet Virome mondial sera encore meilleur, car l’impact des pandémies et des épidémies incontrôlées ne se réduit pas aux maladies, aux souffrances et à la mort. Il atteint aussi l’économie mondiale, de plus en plus tributaire de frontières ouvertes, du libre-échange et des mouvements de biens et de services à travers la planète.

La mise en place d’une alliance internationale est au cœur du Projet Virome mondial, dans le but de former une nouvelle génération de chercheurs à l’échelle locale et de promouvoir un accès équitable aux données et aux bienfaits. En soutenant le Projet Virome mondial à l’échelle internationale, le monde sera mieux préparé à faire face à l’émergence toujours plus fréquente de virus mortels franchissant la barrière des espèces. Pour résumer, le Projet Virome mondial signera le début de la fin de l’ère des pandémies.

http://dx.doi.org/10.20506/bull.2018.1.2769

Références

  1. Anthony S.J., Epstein J.H., Murray K.A., Navarrete-Macias I., Zambrana-Torrelio C.M., Solovyov A., Ojeda-Flores R., Arrigo N.C., Islam A., Ali Khan S., Hosseini P., Bogich T.L., Olival K.J., Sanchez-Leon M.D., Karesh W.B., Goldstein T., Luby S.P., Morse S.S., Mazet J.A.K., Daszak P. & Lipkin W.I. (2013).– A strategy to estimate unknown viral diversity in mammals. mBio, 4 (5), e00598-13. doi:10.1128/mBio.00598-13.
  2. Olival K.J., Hosseini P.R., Zambrana-Torrelio C., Ross N., Bogich T.L. & Daszak P. (2017).– Host and viral traits predict zoonotic spillover from mammals. Nature, 546 (7660), 646–650. doi:10.1038/nature22975.
  3. Carroll D., Daszak P. et al. (in press).– The Global Virome Project: Expanded Viral Discovery Can Improve Mitigation. Science.

Informations relatives à l'article

  • Pertinence de la modélisation écologique et prédictive pour la santé de la faune sauvage et la biodiversité