Merci de patienter pendant le chargement de votre Bulletin

Panorama Autour du mondeÉlaboration d’une stratégie pilote pour le contrôle de la peste des petits ruminants

Autour du monde Posté sur 2019-02-19 13:14:18

Élaboration d’une stratégie pilote pour le contrôle de la peste des petits ruminants

Composante 3 du projet VSPA

Auteurs

J. Domenech (1)*, D. Bourzat† (2) & R. Lancelot (3)

(1) Consultant externe, Organisation mondiale de la santé animale (OIE).
(2) Conseiller, Représentation régionale pour l’Afrique, Organisation mondiale de la santé animale (OIE).
(3) Vétérinaire épidémiologiste, Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), Montpellier (France).

* Contact auteurs : jemidomenech@gmail.com

Taille de la police - A A A +

Dans le cadre de la troisième composante du projet VSPA, une stratégie pilote a été adoptée pendant la période 2013-2014 pour déterminer comment lutter de façon plus efficace contre la peste des petits ruminants (PPR) au Burkina Faso et au Ghana.

Objectif

L’objectif était d’évaluer différentes stratégies de vaccination dans ces deux pays de l’Afrique de l’Ouest, et à utiliser les enseignements de cette évaluation pour enrichir et contribuer à définir sur une échelle plus grande des programmes régionaux et internationaux ciblant la réduction progressive et le contrôle de la PPR.

Mise en œuvre

Le plan d’étude a identifié une série de stratégies de contrôle possibles offrant la couverture vaccinale la plus complète possible au Burkina Faso et au Ghana. Il a sélectionné des zones où la PPR est présente, et a pris en compte les contextes locaux : systèmes de production animale (système pastoral et système agro-pastoral au Burkina Faso, petits élevages ruraux villageois dans les régions côtières du Ghana) ; capacités de transport ; personnel des Services vétérinaires ; couverture de la région par les associations d’agriculteurs. Le plan compare différents systèmes de délivrance des services de santé animale, en particulier de la vaccination, différentes fréquences de vaccination (une seule campagne au Burkina Faso et deux campagnes successives au Ghana) et différents protocoles vaccinaux :

  1. aucune vaccination
  2. seul le vaccin PPR est fourni gratuitement
  3. vaccin PPR gratuit, plus une contribution partielle aux coûts opérationnels liés à la campagne de vaccination
  4. vaccin PPR gratuit, plus une contribution partielle aux coûts opérationnels, plus une distribution gratuite d’anthelminthiques.

 

Des activités spécifiques ont été conduites, telles par exemple des enquêtes participatives sur la maladie avant vaccination afin de sélectionner les zones d’étude, ou des formations incluant les méthodes de recherche épidémiologique participative et les méthodes d’enquête sociologique.

Quatre millions d’animaux ont été vaccinés avec les vaccins de la banque de vaccins PPR au Burkina Faso et au Ghana

Au total, 4 millions d’animaux ont été vaccinés en utilisant les vaccins distribués par la banque de vaccins PPR au Burkina Faso (1 310 000 animaux vaccinés selon le scénario 2, 1 700 000 animaux selon le scénario 3, 190 000 animaux selon le scénario 4) et au Ghana (300 000 animaux selon le scénario 2, 400 000 animaux selon le scénario 3, 100 000 animaux selon le scénario 4).

Des enquêtes après vaccination ont été conduites afin d’évaluer les écarts entre les différents scénarios de vaccination en termes de taux de séroprévalence, en termes de taux d’incidence clinique de la PPR, et en termes de productivité des petits ruminants (valeurs qui ont permis de réaliser des analyses de coût/bénéfice des différentes stratégies de vaccination). En particulier, les enquêtes sociologiques ont permis d’évaluer l’opinion des éleveurs et des vaccinateurs à propos de la vaccination et du système de distribution des vaccins.

Zones écoclimatiques et zones de l’étude VSPA
Zones écoclimatiques et zones de l’étude VSPA

Résultats

Les résultats au Burkina Faso et au Ghana ont montré qu’après la vaccination, la réduction de l’incidence clinique de la PPR était globalement élevée et extrêmement significative (sauf avec le scénario 3 de vaccination dans certains districts du Burkina Faso, ce qui s’explique surtout par le fait que la campagne de vaccination s’est déroulée pendant la saison chaude et sèche). Aucune différence en termes de réduction de l’incidence clinique de la PPR après vaccination n’a été observée entre le système de vaccination privé ou public, ni entre le système de production animale pastoral ou agro-pastoral au Burkina Faso. C’est le protocole de vaccination 3 qui a donné globalement les meilleurs résultats dans les deux pays.

Concernant la couverture immunitaire, la conclusion générale est la suivante : dans les deux pays une immunité protectrice contre la transmission du virus de la PPR a été obtenue pour les animaux vaccinés (80 % à 95 % de sérologies post-vaccinales positives) quel que soit le protocole de vaccination sauf pour le protocole 2 au Ghana.

Chèvres mossi, Burkina Faso
Chèvres mossi, Burkina Faso ©CIRAD/R.Lancelot

L’analyse de coût/bénéfice a révélé que la vaccination contre la PPR était extrêmement rentable selon le point de vue des vaccinateurs et des producteurs, quel que soit le protocole de vaccination, et que les stratégies de vaccination accompagnées d’un soutien financier (qui représente un avantage pour les éleveurs) seraient plus viables à moyen terme et à long terme, et probablement plus appropriées pour parvenir à éradiquer la PPR.

L’analyse des liens entre les différents facteurs qui peuvent être les plus influents pour l’obtention de la couverture vaccinale a mis en exergue trois éléments majeurs :

a) la période de vaccination doit être adaptée, pour chaque région, à la saison et donc aux pratiques agricoles et d’élevage : il faudrait éviter la saison chaude dans les zones arides en cas de déplacements d’animaux (transhumance et nomadisme) ainsi que les périodes où le cheptel des petits élevages est en divagation dans les villages ou leur périphérie — par exemple au Burkina Faso la meilleure période d’intervention est le mois de novembre — ; il faudrait éviter le moment de la journée où les éleveurs sont particulièrement occupés par leurs diverses activités agricoles ; enfin le délai entre l’annonce de la visite par l’équipe chargée de la vaccination et la visite elle-même devrait être d’environ deux semaines ;

b) la formation dispensée aux éleveurs sur l’élevage des petits ruminants et la gestion de la maladie et les avantages de la vaccination contre la PPR ;

c) la nécessité de prévoir une identification officielle des équipes chargées de la vaccination, afin que les éleveurs puissent clairement les identifier.

Enquêtes participatives, Burkina Faso
Enquêtes participatives, Burkina Faso ©OIE/J.Domenech
Enquêtes participatives, Burkina Faso
Enquêtes participatives, Burkina Faso ©CIRAD/R.Lancelot

Les vaccinateurs utilisant les trois différents protocoles dans les deux pays ont souligné l’importance majeure des difficultés logistiques. La plupart du temps, le montant de la contribution des éleveurs aux coûts de vaccination n’a été évoqué ni par les éleveurs ni par les vaccinateurs comme étant un problème déterminant. Cependant, le manque d’argent de l’éleveur au moment de la vaccination, l’empêchant d’en régler les frais, représente souvent un problème ; cela est directement lié à l’organisation de la campagne (période de vaccination, organisation et information aux éleveurs).

Les facteurs essentiels de la réussite ou de l’échec de la vaccination ont été identifiés

Concernant les enseignements tirés de la stratégie pilote, les facteurs essentiels de la réussite ou de l’échec de la vaccination ont été identifiés. Ces facteurs sont nombreux et incluent, notamment, l’existence de bonnes relations (confiance) entre les propriétaires et le personnel vétérinaire, et le rôle important des représentants de communautés, en particulier les associations de cultivateurs dans les zones humides qui ne s’intéressent pas vraiment au bétail.

La durée de la campagne de vaccination et la période de vaccination sont d’autres facteurs-clés. Les éléments logistiques (transport, chaîne du froid, disponibilité du vaccin et conditionnement – par exemple 20 à 25 doses par flacon pour les petits propriétaires villageois) sont toujours déterminants.

La communication et la sensibilisation sont fondamentales. Elles doivent conjuguer les voies de communication officielles et les autres voies possibles, telles que les griots (crieurs publics), les mosquées, la radio, les prospectus, les marchés, etc., ainsi que les représentants et leaders des communautés d’agriculteurs et d’éleveurs, notamment chez les éleveurs peuls en zones d’élevage extensif ; en outre elles doivent tenir compte des dénominations vernaculaires.

Associer la vaccination contre la PPR à d’autres activités de contrôle et d’autres types d’initiatives (par exemple autres types de vaccination, y compris avec des vaccins à virus combiné, campagnes de dépistage, vermifugations, vulgarisation, etc.) offre des possibilités intéressantes pour augmenter les taux de vaccination.

Au-dessus de tous ces facteurs déterminants, le rôle des Services vétérinaires reste indispensable, et toutes les options possibles de délivrance des services de santé animale doivent être étudiées, sous le contrôle et le suivi rigoureux par les autorités vétérinaires officielles.

Bien que la stratégie pilote du projet VSPA ait été efficacement mise en œuvre, il n’était pas concevable d’espérer une éradication immédiate de la PPR dans les zones pilotes après les campagnes de vaccination effectuées dans le cadre limité dans le temps du programme (deux ans seulement). Plusieurs années d’application sont nécessaires pour qu’une stratégie de vaccination bien conçue puisse parvenir à un contrôle solide ou à l’éradication de la PPR.

Conclusions

La composante 3 du projet VSPA a permis d’obtenir les résultats escomptés et d’identifier les facteurs qui sont importants pour la réussite des programmes de contrôle et d’éradication de la PPR. L’éradication de la maladie à l’échelle mondiale est un objectif à long terme, mais des résultats rapides au niveau national et au niveau de certaines régions sont possibles. De plus l’éradication de la PPR peut servir de moteur pour d’autres programmes de contrôle des maladies touchant les petits ruminants.

Les conclusions de la stratégie pilote ont largement contribué à la préparation de la Stratégie mondiale pour le contrôle et l’éradication de la PPR qui a été rédigée par la FAO et l’OIE, et qui a été présentée et adoptée lors de la Conférence internationale OIE/FAO pour le contrôle et l’éradication de la PPR à Abidjan en Côte d’Ivoire.

Un rapport détaillé a été préparé conjointement par l’OIE et le CIRAD. Il figure à l’annexe 3 du rapport narratif final du projet VSPA préparé par l’OIE [6].

Remerciements

Le projet VSPA a été mis en œuvre grâce à l’implication et à la volonté de nombreuses personnes compétentes, notamment les autorités du Ghana et du Burkina Faso et plus particulièrement les responsables de leurs Services vétérinaires (Lassina Ouattara, Joseph Savadogo, Philipp K.B. Salia, Stephen Ockling, Germaine Minoungou, Amadou Dicko, Joseph Awuni) et leurs équipes, le personnel de l’OIE à Bamako et au Siège (Daniel Bourzat, Yacouba Samaké, Joseph Domenech, Alain Dehove), le personnel de l’UA-PANVAC (Karim Tounkara, Nick Nwankpa, Charles Bodjo), des chercheurs du CIRAD (Renaud Lancelot, Fanny Bouyer, Marisa Peyre, David Chavernac, Pachka Hammami, Geneviève Libeau), le personnel des laboratoires de production de vaccin et une experte indépendante (Pierrette Mefomdjo) — avec une mention spéciale pour le bailleur de fonds, la Fondation Bill & Melinda Gates.
 
Nous souhaitons ici rendre hommage au rôle tenu par Daniel Bourzat qui nous a quittés le 18 août 2017. Fort de sa grande expérience de l’élevage sahélien, il a été la cheville ouvrière de la stratégie pilote de lutte contre la PPR en Afrique de l’Ouest.
 
http://dx.doi.org/10.20506/bull.2018.2.2882

Informations relatives à l'article

  • Le nouveau Centre collaborateur de l’OMSA pour la gestion des antimicrobiens en aquaculture

  • Améliorer l’aquaculture au Moyen-Orient

  • Réponse régionale d’urgence face à une maladie émergente